Carnet de Hann

Je m’apelle Hann. François et Hélène m’ont adopté le 20 juin de cette année-là.
De peur que je m’ennuie pendant les vacances d’été Maman m’a offert un carnet dans lequel je peux écrire mes secrets et mes souvenirs.
Le carnet rouge, comme le drap du toréador. Sur la couverture il y a une colombe. Elle semble repliée sur elle-même. Immobile. Maman dit que je lui ressemble car depuis que je suis arrivée ici je parle peu et je ne suis pas ouverte aux autres.

J’essai de me souvenir. Le bruit des cris de la foule en panique, le vacarme des immeubles qui s’effondrent. Mon père en train de courir pour aller secourir mon grand-frère prisonnier sous un pilonne en équilibre, ma mère hurlant tenant entre ses bras ma petite sœur couverte de sang se tortillant de douleur. Moi, fuyant, sous les ordres de ma mère, vers un endroit sauf. Plus rien.

Aujourd’hui je décide de sortir visiter la ville.
Pour rejoindre la rue je dois descendre des escaliers.
D’en haut je domine la rue.
Un vélo passe à toute vitesse, telle une ombre floue.

Je tourne en rond dans les rues et les ruelles, 
les voitures font des va-et-vient incessants, 
les gens marchent à la hâte. La tête baissée. 
Sans regarder autour d’eux les arbres et leurs branches
se balançant au gré du vent.

Près d’une fontaine qui rejette l’eau vers le ciel,
en de petits jets rythmés comme une pendule, des enfants jouent avec des roues de bicyclettes, les faisant tourner.
Celles-ci avancent plus vite qu’eux,
c’est en courant qu’ils doivent les rattraper.

J’avance.

Je descends des escaliers, j’aperçois des gens.
Ils sont placés les uns à côté des autres.
Immobiles. Silencieux. Ils attendent.
Je suis dans la station de métro.
J’attends avec eux.

Dehors il pleut,
les gouttes dessinent des cercles dans les flaques d’eau,
qui grandissent rapidement.
Les gens se pressent. Il n’y a plus personne.
Je décide de m’abriter.
Là, j’entends de la musique, j’entre.
Des vapeurs de parfums féminins m’envahissent,
les gens dansent, discutent.
Au fond de la pièce des femmes nues posent, 
je ne sais pas si elles font des acrobaties, 
elles paraissent en équilibre.
Figées.

Je décide de sortir. La pluie s’est arrêtée.
Les rues sont vides.
Un homme passe près d’une flaque d’eau, 
je peux voir son reflet à travers celle-ci,
un passant marche dans la flaque, 
l’ombre disparaît pour laisser place à de petites vagues
comme si une musique commençait.

Sur ma route je croise un garçon qui chantonne, 
heureux, il me sourit.
Je passe près du parc,
je décide d’aller faire des ricochets sur le lac.
Les gens regardent l’étendue d’eau.
Le temps paraît arrêté.
Seul le bruit du vent sur les feuilles des arbres me ramène
à la réalité.

Je rentre chez moi.
L’escalier à colimaçons que je dois emprunter
pour rejoindre l’appartement paraît m’aspirer, les sculptures de la rampe m’atirent, je peine à voir la fin de cet escargot que je dois gravir pas à pas.

Marie ALLO-Carnet d’Hann-2013

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